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23 avril 2024
Constat d'échec concernant la Loi des Milieux Humides et Hydriques du Québec
Le fossé continue de se creuser en matière de protection des milieux humides, malgré de nombreux avertissements. En six ans et demi, le
MELCCFP a autorisé la destruction d’une superficie équivalente à près de 11 fois le parc du Mont-Royal, récoltant au passage plus de 173 millions de dollars en compensations financières. Or, à peine 1 % de ces fonds ont été investis à ce jour dans la création ou la restauration de milieux équivalents.
Selon les données obtenues par le journal
La Presse, en vertu de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, les données montrent qu’une superficie équivalant à 7,2 km
2 de milieux humides qui on été remblayés a été compensée par des contributions financières des promoteurs.
En date du 31 décembre 2023, le MELCCFP (
Ministère québécois de l’Environnement, de la Lutte contre les Changements Climatiques, de la Faune et des Parcs) avait ainsi recueilli 173,2 millions de dollars depuis la mise en oeuvre de la LMHH (
Loi concernant la conservation des Milieux Humides et Hydriques) créé en juin 2017. C’est une somme record de 31 millions de dollars qui a été récoltée en 2023.
Or, seulement 49 projets ont reçus 1,7 million de dollars de subvention pour des projets de restauration et de création de nouveau milieux humides. La superficie totale restaurée pourrait atteindre 3,8 km
2, des données gonflées cependant par un seul projet de restauration de la région de l’Estrie estimé à lui seul à 1,9 km
2 soit une accaparation à lui seul de la moitié des subventions gouvernementale.
L’adoption de cette loi (
LMHH) était censée mettre fin à des décennies d’abus qui ont permis de détruire d’immenses superficies de milieux humides partout au Québec, mais particulièrement celles des basses terres de la vallée du St-Laurent. La Loi fixe un objectif d’aucune perte nette de milieux humides grâce aux compensations financières des promoteurs versées au Fonds de protection de l’environnement et du domaine hydrique de l’État. Tout ces sommes doivent servir à financer des projets de restauration ou de création de milieux humides.
«
Je doute fort que le MELCCFP puisse atteindre son objectif sans un sérieux coup de barre pour corriger les lacunes de sa stratégie. Est-ce qu’on est dans la bonne direction pour atteindre l’objectif de zéro perte nette de superficie et de fonctions écologiques des milieux humides ? Probablement pas », mentionnes Jérôme Dupras, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en économie écologique et professeur à l’Université du Québec en Outaouais.
Une situation qui préoccupe tout autant le CQDE (
Centre Québécois du Droit de l’Environnement). « L
e rythme de destruction est beaucoup plus rapide que la restauration », signale Marc Bishai, avocat au CQDE. «
Nous sommes déçus et inquiets du bilan qui se dessine au sujet de la protection des milieux humides. Il n’y a aucune garantie qu’on va réussir à créer des milieux humides avec des fonctions équivalentes et tout porte à croire que ce sera un échec au moment de faire le bilan en 2027 », ajoute M
e Bishai.
«
Le MELCCFP prévoit en effet réévaluer sa stratégie en 2027, soit 10 ans après l’entrée en vigueur de la Loi concernant la conservation des milieux humides et hydriques. Or, la situation est déjà critique dans plusieurs régions situées dans les basses terres de la vallée du St-Laurent », précise la biologiste Kim Marineau.
L’an dernier, la commissaire au développement durable, Janique Lambert, avait d’ailleurs relevé plusieurs lacunes dans la gestion du
MELCCFP , qui mettaient à risque l’atteinte de l’objectif de zéro perte nette.
Selon la biologiste Kim Marineau, «
Le plus grand risque, c’est de manquer d’eau. Or, la principale fonction des milieux humides, c’est de filtrer et de garder l’eau dans différents territoires », mentionne-t-elle. «
le MELCCFP navigue à l’aveugle dans ce dossier. On ne tient pas compte des effets cumulatifs de la disparition de milieux humides. On a très peu de données sur plusieurs éléments. Quand il y a de moins en moins de milieux humides dans un bassin versant, les effets s’accumules, et leurs conséquences, on va les vivent dans 10, 15 ans avenir ».
Pour l’écologiste, chercheur, professeur et bassiste du groupe québécois
Les Cowboys Fringants, Jérôme Dupras, «
l’approche volontaire mise de l’avant par le MELCCFP ne crée pas de pression pour la restauration ou la création de milieux humides. Même si MELCCFP continue de récolter des millions de dollars en compensation, les chances qu’on se bouscule au portillon pour proposer des projets de restauration sont minces, d’autant plus », précise-t-il, «
que les coûts de restauration sont beaucoup plus élevés que les coûts de compensation ».
Selon Alain Branchaud, biologiste et directeur général de SNAP-Québec (
Société pour la Nature et les Parcs au Québec), « il faut corriger les lacunes de la stratégie déployée par le
MELCCFP en inversant le fardeau de la restauration des milieux humides. Il faudrait qu’il y ait une prise en charge par le promoteur du projet. C’est à lui de trouver le terrain et c’est à lui de réaliser le projet de compensation. Le
MELCCFP, de son côté, pourrait créer un registre des sites accessibles pour la compensation de milieux humides. On voit bien que le fait de payer pour détruire des milieux humides n’a pas d’effets dissuasifs pour freiner leur destruction », affirme-t-il. « Il faut arrêter de les détruire, surtout dans la région de la Montérégie ».
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