Bonjour !
Voici un article intéressant sur la gestion de la population des bernaches canadienne.
15-02-2023
Devrait-on chasser les bernaches du Canada ?Que faire des bernaches qui squattent de plus en plus les espaces verts de nos villes ? La question est délicate.
Précisons d’abord que ces grands oiseaux de la famille des oies sont des bernaches du Canada et non des «
Outardes (Otis tarda) ». Ce nom est celui que leur avaient donné les premiers explorateurs, dont Jacques Cartier et Samuel de Champlain, pour qui cet oiseau ressemblait vaguement à l’outarde européenne, un volatile terrestre de grande taille. Quatre siècles plus tard, même si leur passage bat toujours le rythme des saisons, certains citoyens, dont notre lectrice Céline Dutrisac, jugent les bernaches quelque peu envahissantes et aimeraient que la chasse aide à mieux contrôler leur population.
Mais la chose n’est pas si simple. Car la fameuse bernache du Canada est un oiseau migrateur, et donc protégé depuis 1916 par la Convention concernant les oiseaux migrateurs au Canada et aux États-Unis. Le contrôle de ces palmipèdes par la chasse ou tout autre moyen dépend donc du bon vouloir du gouvernement fédéral.
Quelle bernache ?
Et pour compliquer le tout, il y a bernache du Canada… et bernache du Canada.
Le Québec accueille en effet deux sous-espèces de cet oiseau. D’abord, la bernache migratrice, dénommée «
Canadensis interior », venue des États-Unis, qui migre vers les région sub-arctiques au Nunavik au printemps et retourne migrer au Sud à l’automne. Sur son passage, elles font un arrêt au Québec. Ces populations migratrices sont en diminution et font l’objet de plusieurs mesures de protection, explique Jean-François Giroux, professeur associé au Département de biologie de l’UQAM. La bernache qui s’attire les quolibets est plutôt la bernache des régions tempérées. Il s’agit d’une sous-espèce différente, «
Canadensis maxima » un peu plus grosse. Elle est originaire des États-Unis, mais s’est acclimatée à nos latitudes plus nordiques et prolifère maintenant près des plans d’eau des villes du sud du Québec. Très à l’aise dans nos contrées, elle ne retourne désormais aux États-Unis que quelques mois par année pour fuir le gel, comme nos «
Snowbirds ». Or, dans plusieurs municipalités, ces oiseaux au long cou noir s’installent désormais dans les parcs, sur les terrains de golf ou sur les plages. Ils se délectent du gazon des pelouses et souillent les sentiers, les quais et les rives de leurs généreuses fèces ( ils en éjectent près d’un kilogramme de fientes par jour ). «
Quand deux ou trois couples occupent un terrain sur le bord de l’eau, les gens trouvent ça sympathique. Mais quand il y en a des dizaines et que leurs fèces maculent le sol, ils trouvent ça moins drôle », note le professeur Giroux.
La population de bernaches des régions tempérées «
connaît une croissance exponentielle », poursuit-il. «
En 1990, il y avait deux nids sur l’île de Varennes ; on dénombrait au même endroit de 200 à 300 nids en 2020. Elles se sont habituées aux humains et vivent très bien en milieux urbains et périurbains », relève celui qui les étudie depuis plus de 30 ans.
Faut-il contrôler la prolifération de ces volatiles ?
Le hic, c’est qu’on peut difficilement distinguer les deux sous-espèces de bernaches qui vivent côte à côte lors des migrations saisonnières. «
On ne peut pas les différencier à l’oeil, à moins de les mesurer. Il y a donc un risque que les chasseurs tuent la sous-espèce en difficulté », explique M. Giroux.
Visa le noir, tua le blanc ?
Pour protéger les bernaches migratrices, la chasse aux bernaches « locales » s’amorce du début à la fin de septembre, selon les zones où cette activité est possible. Le Service canadien de la faune autorise un quota de 10 oiseaux par jour par chasseur. À la fin septembre, ce quota chute à trois pour protéger la bernache migratrice, de retour des régions sub-arctques du Québec au Nunavik. «
Elle est alors susceptible de se mêler aux bernaches résidentes », explique le technicien en environnement Francis Saint-Pierre. «
Le problème, c’est que les bernaches locales, en grand nombre au sol, agissent comme des appelants et attirent la sous-espèce arrivant du nord qui survole le territoire à l’automne », ajoute M. Giroux.
Squatteuses urbaines.
Et là où la chasse est interdite, le problème reste entier, explique Francis Saint-Pierre. Les femelles de ces anatidés sont si protectrices quand elles couvent leurs oeufs qu’elles ont peu de prédateurs hormis le coyote et le renard roux. Même les mouffettes et les ratons n’osent guère affronter ces mères belliqueuses, dit-il. Les villes de Salaberry-de-Valleyfield, de Repentigny et de Longueuil composent depuis plusieurs années avec des plaintes de citoyens liées à la présence de ces oiseaux dodus. Avec l’autorisation du Service canadien de la faune, certaines ont même procédé à la stérilisation des couvées avec de l’huile minérale.
Rappelons que les ennuis causés par les bernaches urbaines découlent avant tout de leur cohabitation forcée avec l’humain. «
Comme les goélands, c’est un problème créé notamment par ceux qui les nourrissent et qui créent des rives avec de la pelouse. On leur offre le terrain idéal pour se nourrir et nicher », dit M. Saint-Pierre.
«
C’est dommage que la bernache, devenue un symbole canadien, un signe du passage des saisons ici, soit maintenant perçue comme une nuisance, déplore Jean-François Giroux. Il faudra s’y faire, car dans 20 ou 30 ans, avec les changements climatiques, elle restera probablement ici toute l’année ! »
Article d’Isabelle Paré pour le journal Le Devoir.
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