Voici un suivi du précédent post :
- 4 JUIN 2019
L’île Ste-Thérèse de plus en plus convoité par les villes de Montréal et de Varennes.Le projet de convertir l’Île Sainte-Thérèse en parc récréotouristique par les administrations municipales bordant la Pointe-de-l’Île, soit Repentigny, Varennes et l’arrondissement de Rivière-des-Prairies−Pointe-aux-Trembles, est toujours bien vivant nous confirment Martin Damphousse, maire de la municipalité de la Rive-Sud, et Caroline Bourgeois, mairesse de RDP-PAT.
Alors que M. Damphousse rêve d’inaugurer le nouveau parc en 2022, année du 350e anniversaire de Varennes, Mme Bourgeois, quant à elle, désire accélérer le développement d’attraits récréotouristiques et l’accès aux berges dans l’Est de Montréal. La mairesse de Repentigny, Chantal Deschamps, s’est déjà prononcée favorable à plusieurs reprises à l’idée de développer l’île de 6 km2 en parc récréotouristique, projet également soutenu par la Communauté métropolitaine de Montréal, dont l’Île Sainte-Thérèse est par ailleurs la 6e plus grande île située sur son territoire.
Une question de temps
Rappelons que l’Île Sainte-Thérèse, située officiellement dans les limites de Varennes mais longeant curieusement de beaucoup plus près les berges de Pointe-aux-Trembles, fait présentement l’objet d’un litige entre une soixantaine de villégiateurs et le Gouvernement du Québec, ce dernier étant officiellement propriétaire de l’Île depuis son achat auprès de la congrégation du Très-Saint-Rédempteur en 1975. Au début 2016 donc, le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles, qui loue toujours officiellement la plus grande partie du territoire à un cultivateur, avait placardé sur 116 chalets des avis d’occupation illégale du domaine public, alléguant qu’il n’existait aucun titre de propriété pour ces habitations situées sur une île où il n’y a d’ailleurs aucune électricité, eau courante ni d’égout. Seuls une dizaine de lots sur l’île seraient reconnus par Québec comme appartenant historiquement et en bonne et due forme à des particuliers.
Parmi les évincés, environ 50 % s’étaient alors mobilisés conjointement pour contester la décision gouvernementale, plaidant principalement qu’il s’agirait pour eux de droits acquis par leurs familles ou légataires qui occupaient, pour la plupart, les lieux depuis les années 1950, sans jamais avoir été appréhendés par les autorités jusqu’à ce jour. De plus, certains résidents allèguent que la Ville de Varennes aurait même déjà évalué leur chalet et perçu des taxes municipales, à une certaine époque. La cause, qui est toujours pendante devant les tribunaux, aurait pour effet depuis trois ans de freiner le processus de développement du projet récréotouristique, que M. Damphousse et Mme Bourgeois aimeraient bien maintenant relancer sérieusement, quoiqu’il arrive de ces « résidences secondaires » de fortune, accessibles que par embarcations nautiques ou même, paraît-il pour les plus téméraires, en V.U.S. l’hiver lorsque le fleuve est glacé… Si le gouvernement québécois a décidé d’agir finalement en 2016 face aux prétendus illégaux, c’est que pour la première fois depuis 30 ans il y aurait eu une véritable volonté des instances municipales avoisinantes pour développer un projet pérenne sur le site, affirme Martin Damphousse, qui avait donné un premier point de presse en avril 2013 sur les intentions de la Ville de Varennes pour le projet, en compagnie Chantal Rouleau, mairesse à l’époque de l’arrondissement de RDP-PAT, et aujourd’hui députée de Pointe-aux-Trembles, ministre déléguée aux Transports et ministre responsable de la Métropole et de la région de Montréal. « Il y a environ trois ans, le projet de faire de l’Île Sainte-Thérèse un parc récréotouristique, avec en premier lieu simplement une piste cyclable, des sentiers pédestres et des aménagements pour y accéder par navette fluviale, avait fait son chemin et Repentigny, la CMM et d’autres instances et organismes publics étaient d’accord sur le principe. C’est à ce moment-là que le Gouvernement du Québec a décidé de passer à l’action, parce qu’il y avait un projet solide, plutôt unanime, qui justifiait aisément l’arrêt de l’occupation illégale, et qui garantissait du même souffle que le problème ne reviendrait pas », explique le maire. De plus, un tel projet viendrait aussi régler l’épineux problème de culture illégale de marijuana qui refait surface presque chaque été depuis le début des années 2000 sur l’île, dont une intervention policière en septembre 2017 a même permis de saisir pas moins de 1 175 plants d’une valeur estimée à 1,2 M.
Chantal Rouleau a refusé de commenter le dossier pour l’instant, compte tenu que la cause est toujours en suspens, mais il serait surprenant que le gouvernement Legault n’intervienne pas dans ce dossier dans un avenir rapproché, puisque le fleuve Saint-Laurent et l’Est de Montréal font partie des priorités de la CAQ, et que le projet entourant l’Île Sainte-Thérèse a toujours été ardemment défendu par la ministre. Avec l’intérêt aujourd’hui renouvelé des dirigeants de Varennes et de RDP-PAT, le projet, qui refait surface sporadiquement depuis une vingtaine d’années avec plus ou moins de réelle volonté politique, risque de prendre un élan sans précédent dans les prochains mois.
Plusieurs scénarios possibles
Si les forces en puissance s’entendent actuellement sur deux objectifs bien définis, soit de conserver le caractère naturel du site et de le rendre facilement accessible au public, l’ensemble du projet reste toutefois à définir.
« Toutes les options sont sur la table en ce moment. Est-ce que nous allons créer une régie intermunicipale pour gérer le parc, est-ce que la SEPAQ pourrait s’occuper du site ou encore le jumeler aux Îles de Boucherville, est-ce que ça prendrait un OBNL … faudra en discuter pour trouver la meilleure solution », soutient le maire de Varennes, qui privilégie dans ce dossier « quelque chose de simple, ne serait-ce que d’offrir un aménagement balisé, sécuritaire, bien entretenu pour la promenade en vélo ou pour la marche, et facilement accessible. Le but c’est de redonner aux citoyens l’accès à la nature, et de protéger l’environnement de l’île qui abrite beaucoup d’espèces d’oiseaux, notamment » ajoute-t-il. Pour la mairesse de RDP-PAT, le discours est sensiblement le même, avec peut-être un accent plus prononcé sur l’accès aux activités nautiques qui est dans la mire de l’administration municipale locale depuis quelques années, comme en témoignent particulièrement la construction de la Plage-de-l’Est et la toute récente acquisition de terrains au pied du pont Le Gardeur destinée à devenir un éventuel site public. « C’est prématuré d’envisager pour le moment comment va s’organiser la gestion du parc de l’Île Sainte-Thérèse et qui va en prendre les commandes. Nous allons certainement discuter avec les principaux intéressés très bientôt, et ça m’étonnerait beaucoup que l’on rencontre de la résistance dans ce projet puisqu’il s’agit certainement d’une initiative positive pour tout le monde », affirme Caroline Bourgeois, mairesse de l’arrondissement de RDP-PAT.
Toujours selon la mairesse, le projet de l’Île Sainte-Thérèse s’inscrirait parfaitement avec le potentiel récréotouristique de l’arrondissement auquel elle croit profondément. « Nous mettons beaucoup d’efforts depuis les dernières années pour améliorer l’offre récréotouristique dans l’arrondissement et pour prendre un important tournant vert et bleu. Nous avons entre autres déjà deux superbes parcs-nature, annoncé la navette fluviale de P.A.T. au centre-ville pour les trois prochaines années et continuons l’aménagement de la Plage de l’Est. Si on veut que la Pointe-de-l’Île attire son lot de visiteurs, il faut continuer à développer ses attraits, et en ce sens l’Île Sainte-Thérèse est un projet extrêmement stratégique et prometteur qui fait certainement partie de nos objectifs », dit-elle.
Un site riche d’histoire
Les sites fouillés sur l’île dans les années 1980 démontrent une occupation fréquente par les Amérindiens mais vraisemblablement associés à de courts séjours ou des haltes puisque aucune trace d’une occupation intensive n’a été recensée. Selon ces fouilles, les plus anciens vestiges archéologiques trouvés sur l’île remonteraient à environ 2 500 ans. L’Île Sainte-Thérèse, si elle suscite aujourd’hui une attention plutôt de nature environnementale, a déjà été un site très significatif au début de la colonisation française à la pointe est de l’Île de Montréal. Son premier habitant Français, Michel-Sidrac Du Gué de Boisbriand, un capitaine du Régiment de Carignan, arrivé avec l’expédition Carignan-Sallière envoyée pour contrer la menace iroquoise, s’y installe en 1667. Cinq ans plus tard, l’intendant Talon lui concédera la seigneurie de l’Île Sainte-Thérèse, qui sera incluse par la suite dans la seigneurie de Varennes. C’est ce même Boisbriand qui a laissé son nom à la ville située au nord de Montréal.
Vers 1679 Du Gué de Boisbriand s’installe en permanence sur l’île Sainte-Thérèse avec sa femme Marie Moyen, alors que sa principale demeure était auparavant située dans le fief de Boisbriand. Il semble qu’il avait une préférence pour l’île et ses paysages et peut-être est-ce pour cela qu’il appellera sa première fille Marie-Thérèse. Le recensement de 1681 mentionne que 7 enfants, 2 domestiques et une servante résident dans le manoir du seigneur. Il possède 40 arpents en valeur, 16 têtes de bétail et un moulin à farine. Le recensement de 1681 compte 53 résidents sur l’île répartis en 14 habitations. Les résidences ceinturent l’île et sont situées à moins de 40 mètres de la rive. En 1695, la population de l’île a cru de 60% par rapport au recensement de 1681, ce qui témoigne de la richesse du site. Gédéon de Gascogne lors de sa visite au début du XVIIIe siècle mentionne que « les terres y sont bonnes du gouvernement pour produire toutes sortes de grains et légumes, aussy (sic) tous les habitants y sont fort à leur aise. »
Au cours de la première moitié du XIXe siècle on a peu d’information sur les habitants de l’île mais on sait que la population sur l’île reste stable puisqu’entre les recensements de 1723 et 1859 (sous le régime anglais à partir de 1759), le nombre d’emplacements et de maisons reste similaire sur l’île soit 194. En 1841 une première maîtresse d’école est en activité sur l’île. Malgré sa richesse agricole, l’île n’ayant aucun hameau ni aucune église, les habitants sont dépendants des villes de Varennes et de Pointe-aux-Trembles pour le commerce et les affaires religieuses et administratives. La population de l’île tend à décroître dans la deuxième moitié du XIXème siècle. En 1897 il ne reste que 12 emplacements sur l’île, 7 en 1942 et 5 en 1944. Au début des années 1950, à la suite de l’ouverture de la voie maritime et le passage des brise-glaces qui ont pour effet d’isoler l’île de la rive sud en hiver, les derniers habitants de l’île plient bagage. Parmi eux se trouve Raoul Durocher, descendant de Louis Brien dit Desrochers et sa femme Marie-Anna Provost. La famille Durocher possède toujours une résidence d’été sur l’île.
Dans les années 1950, l’île est connue pour ses plages sur sa façade sud-est notamment les plages Choquette et Bissonnette qui sont desservies par bateau-passeur à partir de Varennes et de Montréal. La famille Beaudoin de Pointe-aux-Trembles exploitait certains de ces bateau-passeurs. Au début des années 1980 un parc est aménagé sur l’île Sainte-Thérèse et un bateau-passeur y amène les visiteurs de Varennes et Pointe-aux-Trembles. Une piste cyclable est aménagée ainsi que des infrastructures de repos et de pique-nique. Ce parc cessera ses activités à la fin des années 1980.
L'île de Ste-Thérèse.
Un nouveau poumon pour l'Est de Montréal.