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6 février 2024
Le ministre Steven Guilbeault rabrouer par le juge en chef de la Cour Fédérale du Canada.
Le ministre Steven Guilbeault avais pris une position en 2022 selon laquelle le gouvernement fédéral canadien n’avait aucune obligation de protéger autre chose que les zones de nidification sur les terres provinciales, et non plus largement que ceux des habitats dont celui des oiseaux migrateurs classés «
espèces en périls » ont besoin de protections pour pouvoir survivre. Le juge en chef de la Cour Fédérale du Canada, Paul Crampton a décidé la semaine dernière que l’interprétation du ministre de l’environnement était déraisonnablement étroite, renvoyant la déclaration de protection faunique du ministre Steven Guilbeault au gouvernement libéral pour un réexamen législatif.
«
Il n’était ni raisonnable ni tenable de la part du ministre de limiter cet habitat essentiel seulement aux « nids », indique la décision. La déclaration du ministre est intervenue après que les groupes environnementaux, dans le contexte de manifestations massives contre l’exploitation forestière des forêts anciennes dans le bassin hydrographique de
Fairy-Creek, en Colombie-Britannique, ont pressé le gouvernement de prendre des mesures pour protéger le guillemot marbré (
brachyramphus marmoratus).
Carte de localisation de Fairy-Creek en Colombie-Britannique.
Le guillemot marbré, l’oiseau le plus mystérieux de la côte du Pacifique-Nord
Des caractéristiques uniques
Le titre d’oiseau le plus mystérieux de la côte Pacifique du Canada revient au guillemot marbré (
brachyramphus marmoratus). Cet oiseau niche sur le continent dans une obscurité quasi totale, quoique les pêcheurs et les plaisanciers du littoral de la Colombie-Britannique l’aperçoivent souvent sur l’eau au printemps et en été (
période de nidification). Fait étonnant, même si cette espèce est connue des scientifiques depuis 200 ans, les observateurs de la Colombie-Britannique n’ont découvert en tout et pour tout qu’un seul nid occupé, et c’était en 1990. Cette situation prévaut même dans toute l’aire de répartition du Pacifique-Nord. À ce jour, seulement un peu plus d’une douzaine d’autres nids occupés ont été signalés au Japon, en Russie et aux États-Unis.
Dans toute l’aire de répartition du Pacifique-Nord, la majorité des nids occupés ont été découverts dans de grands arbres. Il s’agissait de simples abris aménagés dans la mousse qui recouvre les branches les plus massives, à une hauteur de 20 à 40 mètres. Même si d’autres arbres sont dotés de plateformes ou de cavités adéquates, seuls les sapins de Douglas et les épinettes de Sitka très âgés ont des branches assez grosses pour supporter des nids de guillemots. Les guillemots ont déjà niché dans des tsugas géants dans l’État de Washington, et dans des vieux mélèzes à proximité de la mer d’Okhotsk, en Russie. Dans les régions dépourvues d’arbres de l’Alaska, on a découvert des nids à ciel ouvert dans la toundra et au sommet de talus d’éboulis sur des pentes couvertes de pierres détachées.
Dans les forêts de la Colombie-Britannique, le
thuya géant (
thuja plicata) est pourvus de grosses branches près de leur cime. Il se trouvent généralement dans des forêts adultes de vieux peuplements où malheureusement l’abattage faite par l’industrie forestière s’effectue à un rythme accéléré. S’il s’avère que les guillemots de la Colombie-Britannique ne se regroupent pas en colonies et n’ont pas d’autres endroits où nicher, la nécessité de protéger des sites de nidification sera une raison impérative pour conserver davantage les vieilles forêts côtières de la Colombie-Britannique. Toutefois, de nombreuses zones restent encore à être explorer, au cas où l’on y découvrirait des nids. Ceux qui ont été repérés sur le sol en Alaska indiquent que les guillemots de cette région ont su s’adapter aux conditions ambiantes. Peut-être en va-t-il de même pour la population canadienne.
Bon nombre de guillemots marbrés se nourrissent dans les bras de mer pendant l’automne, mais finalement le mauvais temps et la diminution des réserves de nourriture les contraignent à partir, surtout quand le gel gagne les chenaux les plus au nord et ceux qui s’enfoncent loin dans les terres. Ailleurs, le hareng devient une proie trop grosse pour ces oiseaux, tandis que le lançon s’enfouit dans les fonds marins pour sa période d’hibernation.
Guillemot marbré (brachyramphus marmoratus) en nage en période d'alimentation.
Gravure d'un guillemot marbré en période de nidification.
Des habitats essentiels en périlLe petit oiseau marin, qui niche dans les forêts anciennes sur la côte de la Colombie-Britannique, est répertorié comme «
espèces menacées » depuis 2003 et les groupes ont allégué que la province n’avait pas réussi à le protéger de l’exploitation forestière industrielle et d’autres activités. Les groupes ont avancé que certaines régions de conservation de l’île de Vancouver disposaient d’habitats de nidification moins adaptés que ce qui était nécessaire à la survie et au rétablissement du guillemot marbré , selon la décision du tribunal, tandis que d’autres régions de conservation de l’île approchaient rapidement de ce seuil.
Les menaces qui pèsent sur l’habitat, depuis l’exploitation forestière industrielle jusqu’aux incendies de forêt provoqués par le changement climatique, rendent les espèces d’oiseaux migrateurs déjà en danger vulnérables à l’extinction, ont soutenu les groupes. Si l’interprétation du ministre n’était pas contestée, les groupes ont soutenu que la majorité de l’habitat essentiel d’au moins 25 espèces d’oiseaux migrateurs en péril à travers le pays, y compris le guillemot marbré, n’aurait pas été protégé sur des terres non fédérales.
«
Cette décision doit entraîner une action rapide de la part du gouvernement fédéral pour protéger l’habitat essentiel des oiseaux migrateurs en péril », a déclaré Shelley Luce, directrice des campagnes et des programmes du
Sierra-Club-BC, qui a intenté une contestation judiciaire, aux côtés du
Wilderness-Committee. Dans une déclaration écrite, M
me Luce a déclaré : «
La décision souligne en outre l’urgence d’adopter une législation adaptée aux espèces en péril en Colombie-Britannique, où l’habitat du guillemot marbré et d’autres oiseaux en voie de disparition reste vulnérable à l’exploitation forestière et à d’autres destructions d’habitat ».
Le ministre de l’environnement canadien avait fait valoir que son interprétation maximisait la capacité provinciale britanno-colombienne d’agir dans un domaine de compétence partagée, selon la décision. D’après le ministre Steven Guilbeault , une interprétation plus large risquerait de miner le principe du fédéralisme coopératif. Mais le juge a déclaré que ce principe, élaboré pour offrir une certaine flexibilité dans la répartition des pouvoirs provinciaux et fédéraux canadien, ne peut être invoqué pour «
interpréter » les responsabilités fédérales au point de les rendre «
sans utilité ». «
Cela est particulièrement vrai lorsque la province concernée n’a pas réussi à profiter des possibilités de prendre des mesures de protection dans un domaine de responsabilité conjointe, comme l’allèguent les demandeurs », a écrit le juge en chef Paul Crampton.
M. Crampton a également cité les preuves apportées par les groupes environnementaux selon lesquelles : «
L’identification des nids est extrêmement difficile et cette méthode de classement de zone de protection ne constitue donc pas un moyen efficace de protéger et de rétablir une population d’oiseaux migrateurs menacés. Le programme de rétablissement du gouvernement fédéral canadien de 2014 indique que les sites de nidification du guillemot marbré, un oiseau qui pond généralement seulement un seul œuf sur une branche couverte de mousse d’un arbre ancien, peuvent être « très difficiles à être localiser ». En bref, «
les nids ne peuvent pas être protégés convenablement s’ils ne peuvent pas être localisés », lit-on dans la décision du juge Paul Crampton.
L’avocat de l’association caritative environnementale
Écojustice, qui représentait deux groupes de conservation devant le tribunal, a qualifié la décision de «
Grande victoire pour les oiseaux en voie de disparition et les espèces menacés qui habitent au Canada, qu’ils résident dans des arbres anciens en Colombie-Britannique ou aux îles du Canada Atlantique. Maintenant, la Cour Fédérale du Canada a confirmé que la loi exigeait que le gouvernement fédéral canadien fasse davantage pour assurer la survie et le rétablissement de ces espèces », a écrit l’avocat Andhra Azevedo dans un communiqué.
Pourquoi les vieilles forêts devraient-elles être protégées ?il y a 13,7 millions d'hectares de vieilles forêts en Colombie-Britannique et 10 millions de ces hectares sont protégés ou ne sont pas rentables à récolter. À titre de référence, la province entière couvre environ 95 millions d'hectares, dont environ 57 millions d'hectares de terres boisées. Quelque 20 millions d'hectares de forêt publique en Colombie-Britannique sont disponibles pour la récolte, selon la province, dont 3,6 millions d'hectares sont des forêts anciennes. Chaque année, 200 000 hectares de terres boisées sont coupés et 27 % de cette récolte annuelle provient de vieilles forêts.
Mais depuis 10 ans, des groupes environnementaux comme l'
Ancient-Forest-Alliance, le
Wilderness-Committee et le
Sierra-Club-BC ont utilisé des données provinciales pour soutenir que les plus gros arbres anciens sont abattus à un rythme insoutenable. Le
Wilderness-Committee a même déterminé que la superficie des forêts anciennes approuvée pour l'exploitation forestière a augmenté de 43 % au cours de la dernière année. Un groupe de scientifiques indépendants a produit un rapport en juin 2020 montrant que les arbres les plus anciens dans certaines des forêts les plus riches en biodiversité sont au bord de l'extinction en Colombie-Britannique.
Le rapport révèle que les zones capables de soutenir des arbres massifs couvrent moins de 3 % de la province et qu'une «
récolte intense » a éliminé les vieux arbres de plus de 97 % de cette fraction de territoire. «
Ces écosystèmes sont en fait le rhinocéros blanc des forêts anciennes », indique le rapport. «
Ils sont presque éteints et ne se remettront pas de l'exploitation forestière ».
Les écologistes soutiennent que les forêts intactes avec de vieux arbres aideront à protéger la province britanno-colombienne contre les futures catastrophes liées aux changements climatiques. De plus, les forêts avec de vieux arbres sont souvent riches en biodiversité, ce qui signifie qu'elles abritent de nombreuses autres espèces animales et végétales, y compris certaines qui ne peuvent vivre dans aucun autre type d'habitat.
Ces forêts ont des conopées denses, des systèmes racinaire étendus et une structure complexe, ce qui aide à prévenir la propagation des incendies de forêt, des glissements de terrain et des inondations, tout en protégeant les sources d'eau. Même les vieux arbres qui meurent et tombent au sol et pourrissent aident la forêt qui reste autour d'elle en fournissant des nutriments et un habitat à d'autres espèces. Ces arbres ont également une importance culturelle pour les
Premières-Nations, qui depuis des milliers d'années ont utilisé des arbres comme le
thuya géant (
thuja plicata) pour faire des vêtements, des paniers et d’autres outils ainsi que des objets de cérémonie.
Dans des endroits comme
Port-Renfrew, de vieilles forêts abritant de grands arbres anciens sont devenues des destinations touristiques, permettant aux sites de forêts de grands arbres de contribuer à l'économie de la Colombie-Britannique sans être abattus. Comme le
thuya géant (
thuja plicata), cet arbre atteint sa maturité à l’âge de 350 ans et certains individus ont été recensés, peuvent être âgés de plus de 1 000 ans.
Les arbres anciens, sont l'un des symboles naturels les plus emblématiques de la Colombie-Britannique, attirent une fois de plus l'attention internationale alors que des centaines de manifestants sont prêts à être arrêtés plutôt que de voir ces arbres abattus pour leur valeur économique. Ces arbres massifs jouent depuis longtemps un rôle important dans le secteur forestier de la province. Mais l'abattage d'arbres anciens, dont certains existent depuis 800 ans et même plus, s'accompagne souvent de critiques selon lesquelles leur récolte nuit à la biodiversité de la Colombie-Britannique et à leur capacité à faire face aux changements climatiques.
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