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2 février 2024
La ville de Montréal projette la destruction partielle de l’un des derniers boisés du secteur Mercier-Hochelaga-Maisonneuve
Le projet pourrait d’ailleurs nécessiter la destruction partielle du boisé Steinberg
L’administration de la ville de Montréal annoncera sous peu qu’elle ira de l’avant avec le prolongement du boulevard de l’Assomption, a appris le journal
Le Devoir.La ville de Montréal et l’arrondissement Mercier-Hochelaga-Maisonneuve ont admis qu’ils travailles actuellement sur divers scénarios pour le prolongement du boulevard de l’Assomption. Ce nouveau tronçon routier est conçu essentiellement pour faciliter l’industrie du camionnage industriel dans le quartier montréalais d’Hochelaga-Maisonneuve. Ce projet pourrait d’ailleurs nécessiter la destruction partielle d’un des derniers boisés du secteur, que les citoyens souhaitent protéger.
Le boisé en question, qui compte plusieurs arbres matures, est situé tout juste à l’Est du boulevard de l’Assomption, au nord de l’avenue Pierre-De Coubertin. Il est un des rares espaces verts de ce secteur à compter des locaux industriels et de vastes stationnements. Cet espace vert est également situé au nord du secteur où se trouve le nouveau parc de la compagnie Ray-Mont-Logistiques, un parc inter-modale de conteneurs pour le port de Montréal. Une industrie qui a fait l’objet d’une vive contestation des citoyens de ce quartier de l’Est de l’île de Montréal.
On précise du même souffle que le projet doit prendre en compte de nombreux enjeux, incluant la mitigation de l’impact des activités de transport de la Ray-Mont-Logistiques sur la population. Chose certaine, le travail est suffisamment avancé pour que la Ville de Montréal prévoie une présentation publique du projet, dans tous ses détails, et ce, pour le début du printemps 2024. Et même si la Ville affirme que tout projet dans ce secteur doit permettre de «
maximiser la protection des derniers espaces verts », la ville a refusé de dire si la protection intégrale du boisé «
Steinberg », situé entre la rue Hochelaga et le site de la compagnie Ray-Mont-Logistiques, est garantie. Une partie de ce boisé est protéger par la ville de Montréal.
Inquiétude et déceptionPatricia Clermont, coordonnatrice de l’AQME (
Association Québécoise des Médecins pour l’Environnement) mentionne : «
On est désagréablement surpris de voir cette décision, surtout un vendredi après-midi, d’autant qu’il y a beaucoup d’inquiétude dans la population du secteur et qu’il n’y a pas d’acceptabilité sociale encore. On est évidemment inquiets des impacts du projet sur la santé ». L’AQME souhaite d’ailleurs que la
Santé-Publique fasse une évaluation de ces impacts et qu’une consultation ciblée sur le bruit soit menée. «
C’est une décision hâtive vu qu’on n’a pas eu l’évaluation environnementale. Et on n’a pas un portrait complet des impacts qu’aura le projet dans les phases suivantes, et on n’a toujours pas de plan directeur du secteur de l’Assomption-Sud », a déploré Emmanuel Rondia, directeur général du CRE (
Conseil Régional de l’Environnement de Montréal). De son côté, le maire de l’arrondissement
Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, Pierre Lessard-Blais, s’est dit «
extrêmement déçu » de la décision gouvernementale. «
Les conditions imposées ne remplacent pas la rigueur et la profondeur d’une évaluation par le BAPE (Bureau des Audiences Publiques en Environnement), a-t-il souligné. Cette annonce est d’autant plus préoccupante pour les citoyens que je représente, qui s’attendent à davantage de transparence et de collaboration de la part du gouvernement. Leur confiance en est certainement fragilisée ».
Refus d’un examen du BAPERappelons que la compagnie de transbordement de conteneurs Ray-Mont-Logistiques prévoyait ouvrir sur son site un parc de transbordement pour conteneurs qui serait en activité tous les jours, 24 heures sur 24. Malgré les demandes répétées des résidents d’Hochelaga-Maisonneuve, le gouvernement Legault a refusé à plusieurs reprises de procéder à une évaluation environnementale de l’ensemble des impacts de ce projet industriel en milieu urbain. Un tel examen aurait pu être facilement mené par le BAPE si le député de Deux-Montagnes Benoit Charette du MELCCFP
(Ministère québécois de l’Environnement, de la Lutte contre les Changements Climatiques, de la Faune et des Parcs) l’avait exigé.
Auparavant, la Cour d’Appel du Québec a par ailleurs obligé la ville de Montréal à fournir les autorisations municipales que le promoteur réclamait. Ce dernier a néanmoins entamé une poursuite de 373 millions de dollars contre la ville en raison des longs délais requis pour lui accorder une autorisation. Lors d’une inspection effectuée le 21 mars 2022 à la suite d’une plainte, le ministère avait constaté que le promoteur, qui avait aménagé illégalement une surface asphaltée sur une portion du site. Elle avait commencé ses activités de camionnage, de manutention et d’entreposage de conteneurs pour le port de Montréal. Ce constat a mené à la délivrance d’un avis de non-conformité le 4 avril 2022.
Rappelons que le terrain acquis à l’Est de Montréal par la compagnie de Ray-Mont-Logistiques est situé sur le site de l’ancienne aciérie de la
Canadian-Steel-Foundries, ce terrain était fortement contaminé, témoin de près d’un siècle d’activité industrielle lourde de ce secteur. L’entreprise aura l’obligation de réhabiliter le site pour limiter les impacts des contaminants lourds contenus dans les sols du terrain. Un plan de réhabilitation environnementale devra être approuvé par les autorités gouvernementales.
L'importance stratégique du port de Montréal Le port de Montréal constitue une plaque tournante du transport des marchandises, tant pour l’Est du Canada que pour le Nord-Est du continent américain. Le transport des marchandises a toutefois subi de grandes mutations depuis quelques années, notamment par l’apparition de réseaux d’infrastructures logistiques inter-modales et d’infrastructures à vocation supra-régionale. Aussi, le réseau routier est de plus en plus utilisé par le camionnage. Par son histoire, le cœur de l’agglomération montréalaise accueille de nombreuses installations destinées au transport régional et international des marchandises, ce qui ajoute une pression sur l’utilisation de ces installations et une contrainte à l’utilisation des superficies de terrains. Afin de relever ces défis, le transport des marchandises doit être considéré sous une perspective globale et régionale.
Les conteneurs maritime sont utilisés pour parcourir la planète par différents moyens de transport (camion, bateau, train et avion).
Voici un aperçu du tonnage des marchandises transportées (en %), selon le mode choisi pour la région de Montréal.
Par camion = 67,7 %
Par bateau = 19,3 %
Par train = 12,8 %
Par avion = 0,1 %
La plupart des déplacements en camion qui se font au sein de l’agglomération sont générés par la présence de plateformes inter-modales sur l’île, soit le port de Montréal ainsi que les trois principaux sites de triage ferroviaires (
et leurs terminaux rails-routes) situés à proximité de l’aéroport et reliés au réseau autoroutier. Le Le port de Montréal exploite un réseau ferroviaire avec accès aux quais qui est directement relié aux réseaux ferroviaires nord-américains du CP (
Canadien-Pacifique) et du CN (
Canadien-National). L’accès au port se fait principalement par la rue Notre-Dame et l’A-25. Le trafic de conteneurs par bateau est voué à croître et la possibilité d’expansion du Port de Montréal est limitée. Le manque de connexions directes avec l’Asie et l’Amérique du Sud depuis l’aéroport de Montréal impose une contrainte à la croissance du cargo. Dans un contexte où les activités de transport à l’échelle mondiale devraient doubler, voire tripler au cours des 30 prochaines années, ces enjeux s’avèrent primordiaux pour le positionnement de la région de Montréal.
Le PQ dénonce la décision du gouvernement LegaultLe chef du Parti-Québécois, Paul St-Pierre-Plamondon, député de la circonscription de Camille-Laurin, a lui aussi dénoncé la décision du gouvernement. Le projet n’obtient pas l’acceptabilité sociale et les phases 2 et 3 du projet risquent d’entraîner encore plus de vibrations, de bruit, de poussière et de circulation de camions dans l’Est de l’île de Montréal, avance le chef péquiste, qui réclame une analyse du Bureau d’Audiences Publiques sur l’Environnement sur l’ensemble de ce projet. «
Encore une fois, l’Est de Montréal écope » ajoute t-il.
Pour favoriser le port de Montréal Le MTMD (
Ministère québécois des Transports et de la Mobilité Durable) affirme pour sa part que ce terrain boisé, un des derniers du secteur, est hautement stratégique, et son avenir sera davantage précisé lorsque toutes les parties prenantes concernées se seront avancées sur leurs dossiers respectifs. Aucun échéancier n’a été précisé. Le MTMD donne néanmoins un aperçu de ce qui sera annoncé aux citoyens. Concrètement, l’administration Plante et le gouvernement Legault souhaitent améliorer la fonctionnalité des déplacements entre l’avenue Souligny et la rue Notre-Dame, ainsi que l’accès au port de Montréal.
Cela passe par le prolongement du boulevard de l’Assomption jusqu’à la rue Notre-Dame, mais aussi par le prolongement de l’avenue Souligny jusqu’au futur segment du boulevard de l’Assomption.
Techniquement, il semble impossible de prolonger le boulevard de l’Assomption sans passer dans le boisé SteinbergCes nouveaux tronçons routiers faciliteront la fluidité des déplacements des camions qui transportent des conteneurs en sortant du port de Montréal. Dans une réponse écrite, l’administration portuaire de Montréal évoque le passage de 1500 camions par jour. Ces véhicules lourds pourraient s’ajouter aux centaines de camions qui transiteront par le site de la compagnie Ray-Mont-Logistiques, une entreprise qui a déjà construit les premières phases d’un projet de plateforme de transbordement de conteneurs sur un vaste terrain situé au nord de la rue Notre-Dame et aux limites d’un quartier résidentiel défavorisé.
Est-ce que les nouveaux projets routiers sont nécessaires pour le développement du projet Ray-Mont-Logistiques ? … Par courriel, l’entreprise indique qu’il s’agit de décisions prises unilatéralement par la ville de Montréal, pour lesquelles Ray-Mont Logistiques n’a pas les détails.
Le promoteur poursuit actuellement la ville de Montréal pour 373 millions de dollars en raison des longs délais requis pour lui accorder une autorisation. Le projet n’a pas eu à passer par le processus d’évaluation environnementale imposé normalement aux grands projets industriels au Québec. Le gouvernement Legault a refusé les demandes des citoyens en ce sens.
Le tracé des nouvelles routes sont indiquées en rouge sur cette image.
Un prolongement routier « inutile » ?Le porte-parole de Mobilisation-6600, un regroupement citoyen qui a lutté contre l’implantation de compagnie Ray-Mont-Logistiques et pour la protection des derniers espaces verts du secteur d’Hochelaga-Maisonneuve, Anaïs Houde est toutefois formelle : « Ces projets routiers servent d’abord les intérêts de l’entreprise et du port de Montréal. On a l’impression d’être placés devant un fait accompli », déplore-t-elle. Malgré des demandes formulées en vertu de la Loi d’Accès à l’Information, le regroupement n’a jamais pu obtenir de plans illustrant ce qui est prévu dans le quartier. «
Et le prolongement du boulevard de l’Assomption dans le boisé Steinberg est inutile. Il servira à qui ? » demande-t-elle.
Mme Houde redoute déjà la teneur de la consultation qui se tiendra au printemps. «
Ils vont nous présenter un projet avec des bancs publics, des saillies végétalisées, etc. Mais on ne veut pas se prononcer sur la couleur des lampadaires ou la forme des poubelles. On veut que le boisé Steinberg soit épargné », insiste-t-elle. Selon les données officielles, l’indice de canopée du quartier dépasse à peine les 12 %, et ce, dans un contexte de hausse des vagues de chaleur estivales.
Mobilisation-6600 craint en outre qu’une friche boisée située à l’ouest du site de compagnie Ray-Mont-Logistiques soit réduite. Les citoyens qui vivent aux limites de cet imposant développement industriel souhaitent que ce terrain soit protégé afin d’y créer un parc linéaire qui permettrait de circuler du boisé Vimont, situé plus au sud, jusqu’au boisé Steinberg, et possiblement même jusqu’au parc Maisonneuve.
La ville de Montréal n’a pas répondu aux questions du journal
Le Devoir concernant cette friche boisée, dont la largeur pourrait être réduite, selon Mobilisation-6600. L’administration de Valérie Plante nous indique que la présentation détaillée prévue au printemps sera l’occasion de répondre aux questions légitimes de la population. En novembre 2023, le gouvernement fédéral avait évoqué la protection de cette bande de terrain en soulignant que la nature contribue à la santé, au bien-être et aux loisirs de la population canadienne et à la prospérité de l’économie du pays.
Un site essentiel pour les oiseaux L’ornithologue Arnaud Valade souligne que le boisé Steinberg, avec la friche boisée et le boisé Vimont, est un secteur important pour des dizaines d’espèces d’oiseaux, ce qui démontre la valeur écologique de ce terrain. «
En période de migration, l’abondance d’espèces est impressionnante », fait-il valoir, en ajoutant qu’il a recensé pas moins de 143 espèces d’oiseaux dans ce secteur. Ces terrains sont très importants pour l’alimentation des oiseaux au cours de leurs longues migrations bi-annuelle, explique M. Valade, et comme le quartier par le passé a été largement développé, notamment pour faire place à des industries, la protection de ces espaces est essentielle pour notre faune aviaire.
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