Bonjour !
Prière de ne pas faucher les oiseaux
10-08-2023
Brigham.
Pour protéger les goglus et sturnelles des prés, deux espèces d’oiseaux migrateurs menacées, des producteurs agricoles de la région québécoise de la Montérégie retardent la fauche d’une partie de leurs champs jusqu’à ce que les petits soient à maturité. Un effort qui porte ses fruits, puisque cette progéniture revient nicher aux mêmes endroits les années suivantes.
«
Il est là ! Il est là ! … Regarde le poteau avec le fanion ! il y a un petit oiseau là-dessus ! », s’exclame Marilou Alarie en montrant un piquet de bois coiffé d’un drapeau orangé au milieu de son champ. Ce piquet marque la zone à ne pas dépasser. Un goglu des prés, (
dolichonyx oryzivorus) reconnaissable à sa grosse tache jaune aux allures de capuchon à l’arrière de la tête, en a fait son perchoir. De ce poste de guet, il émet une série de notes métalliques, souvent comparées aux sonorités émises par le
robot R2D2 du film
La Guerre des Étoiles. Pour les distinguer, il faut être attentif, car en cette matinée de la fin de juin, l’air est saturé de gazouillis et de pépiements. Les sturnelles des prés (
sturnella magnaqui), qui elles, portent leur plumage jaune sur le poitrail, se font aussi entendre.
Si les nids bâtis au sol échappent aux regards, le ballet incessant des volatiles plongeant entre les hautes herbes ne ment pas : goglus et sturnelles viennent nourrir leur précieuse progéniture. «
À la fin de l’été passé, on a vu la différence : les bébés sturnelles et les bébés goglus étaient partout », raconte M
me Alarie, copropriétaire de cette ferme de Brigham, située près de la ville de Bromont dans la MRC Brome-Missisquoi en Estrie, quelle a acquise en 2021 avec son conjoint.
Goglu des prés, (dolichonyx oryzivorus)
Sturnelle des prés (sturnella magnaqui)
Martinet ramoneur (chaetura pelagica)
Engoulevent d'Amérique (chordeiles minor)
Des espèces menacéesC’est l’organisme sans but lucratif Québec-Oiseaux qui l’a informée de la présence des deux espèces menacées, repérées par ses bénévoles.
« Les oiseaux champêtres et les insectivores aériens comme le sont les hirondelles
(hirundinidés)
, les martinets
(apodidés)
et les engoulevents (
chordeiles minor)
par exemple, sont les deux groupes d’espèces d’oiseaux qui, au Canada, ont connu les déclins les plus importants dans les dernières décennies. » dit Isabelle Devost, biologiste chez Québec-Oiseaux.
« J
e ne connaissais pas du tout ces deux espèces, la sturnelle et le goglu. Pour nous, c’était comme un cadeau d’avoir ça chez nous », s’enthousiasme M
me Alarie. La sturnelle et le goglu, qui hivernent respectivement dans le sud-est des États-Unis et en Amérique du Sud, viennent faire leur nid sous nos latitudes du début de mai à la mi-juillet. La perte et la modification de l’habitat sont la principale cause de leur déclin. «
On a de plus en plus de cultures annuelles, comme le maïs et le soya, et de cultures en rangs. Ce n’est pas le bon type d’habitat pour la nidification », précise M
me Devost. Ce sont plutôt les prairies, les champs de foin et les pâturages qui sont propices aux couvées. «
Et dans les prairies exploitées, comme les champs de foin, il y a une certaine intensification des pratiques agricoles, avec des fauches de plus en plus tôt dans l’année. Ça ne permet pas aux oiseaux de compléter un cycle de nidification. »
C’est pourquoi Québec-Oiseaux propose à des producteurs comme M
me Alarie de reporter la fauche au 15 juillet sur des parcelles où des espèces menacées ont été repérées. Ce foin coupé tardivement affichera toutefois une plus faible valeur nutritive, donc un prix réduit. Pour compenser, les producteurs peuvent faire une demande au programme
ALUS-Montérégie, géré par la fédération régionale de l’Union des Producteurs Agricoles (
UPA). Ce programme offert en partenariat avec
ALUS-Canada, un organisme financé en grande partie par des fondations, rétribue les agriculteurs pour des projets écologiques, comme l’implantation de haies brise-vent et de zones tampons riveraines. L’organisme écosystémique
ALUS (
Alternative Land Use Services) est présent dans d’autres régions, mais la région québécoise de la Montérégie est la première à inclure un volet pour la fauche tardive, dont huit producteurs se sont prévalus jusqu’ici.
«
On voit qu’après deux ou trois ans, il y a augmentation déclamation population des oiseaux, mais c’est vraiment la progéniture, les bébés qui reviennent nicher à peu près à la même place où ils sont nés. Donc on voit les effets de la protection qu’on donne à l’espèce assez rapidement », se réjouit Julien Pagé, président du comité
ALUS-Montérégie.
Intérêt croissant pour s’impliquerM
me Alarie, par exemple, s’est engagée à retarder la fauche de trois parcelles d’environ un hectare, pour lesquelles le programme fournit une rétribution annuelle de 450 $ par hectare. Elle essaie toutefois de repousser la coupe dans l’ensemble de ses champs, comme elle l’a fait l’été dernier. «
C’est vrai que c’est une perte de rendement, mais est-elle est raisonnable ? Je pense qu’on doit tous contribuer. M
me Devost, qui travaille avec des agriculteurs de plusieurs autres régions sans soutien financier, en témoigne. «
Plusieurs producteurs sont très conscientisés et souhaitent s’impliquer, parce qu’eux aussi sont sensibles à la biodiversité, et veulent un milieu en santé. »
Québec-Oiseaux fournit un accompagnement personnalisé gratuit aux propriétaires terriens, en leur suggérant diverses mesures, comme par exemple, conserver les éléments utilisés par les oiseaux (
piquets de cèdre, arbres morts, vieux bâtiments agricoles, etc.), et faucher les champs de l’intérieur vers l’extérieur pour leur permettre de fuir vers les terrains voisins. «
Au-delà de juste être beaux, ils ont toute une utilité dans l’écosystème », souligne M
me Devost, en rappelant que les oiseaux gobent des quantités industrielles d’insectes, ainsi que les graines de certaines mauvaises herbes.
Fondé en 1981, Québec-Oiseaux est un organisme sans but lucratif qui rassemble et représente les personnes et les organismes intéressés à l’étude, à l’observation et à la protection des oiseaux du Québec. Québec-Oiseaux regroupe les clubs et sociétés d’observateurs d’oiseaux du Québec, des membres individuels ainsi que des organismes affiliés.
L'objectif de Québec-Oiseaux est de favoriser le développement du loisir ornithologique, de promouvoir l’étude des oiseaux et de veiller à leur protection et à celle de leurs habitats. En tant qu’organisme rassembleur de tous les ornithologues du Québec, Québec-Oiseaux est un interlocuteur de premier plan dans les dossiers ayant trait aux oiseaux.
https://www.lapresse.ca/actualites/environnement/2023-07-10/planete-bleue-idees-vertes/priere-de-ne-pas-faucher-des-oiseaux.php
https://www.quebecoiseaux.org/fr/milieu-champetre
https://alus.ca/fr/collectivite_alus/alus-monteregie/
https://alus.ca/fr/des-services-ecosystemiques-cest-quoi/
https://alus.ca/fr/qui-nous-sommes/
https://monteregie.upa.qc.ca/producteur/agroenvironnement/especes-en-peril