Bonjour !
20 mars 2023
Études sur les oiseaux aquatiques en France.
Comment des lacs complètement isolés, privés d’accès à tout cours d’eau, peuvent-ils quand même grouiller de poissons ?
Véritable passagers clandestins, les perches communes (
perca fluviatilis) une espèce de poisson semblable à la perchaude canadienne (perca flavescens). Des chercheurs ont démontrées que ces poissons colonisent involontairement les étangs et les lacs durant leurs déplacements. Ils transporterais des œufs de poissons durant leurs vols transitoires, selon une étude parue dans
Biology-Letters. La zoochorie aviaire ?Par le passé, le naturaliste et paléontologue britannique, Charles Darwin avait soulevé une piste en constatant que des larves de mollusques s’attachaient aux pattes d’un canard, avant de supposer qu’elles pourraient survivre au vol les menant jusqu’à un nouveau plan d’eau à coloniser. Des expériences, la plupart récentes, ont exploré le processus de
zoochorie aviaire, par lequel des organismes vivants jouent les passagers clandestins d’un lieu à un autre, sur les plumes ou même dans l’estomac d’un volatile. L’étude menée par le doctorant Flavien Garcia et ses collègues du Laboratoire Évolution et Diversité Biologique du CNRS (
Centre National de la Recherche Scientifique) de l’Université Toulouse, avec l’aide d’un professeur en biologie aquatique américain, est la première à en chercher la preuve sur le terrain. Plus précisément dans un ensemble de lacs de gravières en Haute-Garonne, une région située dans le sud-ouest de la France. Typiquement, ces carrières inondées sont exploitées par des entreprises et fermées strictement au public. Une fois leurs ressources épuisées, après dix ou quinze ans, elles leurs sont alors généralement ouvertes. Les biologistes en ont examiné 37 gravières, dont un tiers étaient encore fermées, et inaccessibles aux pêcheurs à la ligne. Tous ces lacs comptaient une population majoritairement composée de perches communes. L’étude a d’abord écarté une source possible de «
colonisation » de ces plans d’eau par l’habitude que les amateurs de pêche à la ligne ont de les peupler de poissons, pour mieux les y ferrer. Les responsables des gravières actives, ont exclu toute introduction de poissons dans leurs exploitations. Quant aux lacs ouverts au public, des pêcheurs ayant confessé des lâchers illégaux d’alevins ont avoués le faire avec d’autres espèces plus sportives, comme les achigans (micropterus dolomieu et
salmoides) ou les carpes (
cyprinus carpio), c’est ce que les scientifiques appellent
l’anthropochorie.
Oeufs de poissons en apéritif !Une autre observation excluant une intervention humaine repose sur l’analyse génétique de plus de 500 perches. L’introduction artificielle de perches devrait se traduire par une plus grande diversité génétique de l’espèce dans les lacs ouverts à la pêche... Or, elle est sensiblement égale à celle des gravières fermées au public. D’autres «
lignes d’évidence » confortent le rôle des oiseaux dans la colonisation, et particulièrement le canard colvert. «
Il y a une synchronie entre le moment de la ponte des perches et une période de forte abondance des canards », remarque Flavien Garcia. Le canard colvert (
anas platyrhynchos) et le foulque macroule (
fulica atra), une poule d’eau, peuplent les lacs jusqu’à la fin de leur période d’hivernage, en février. Précisément dans la période de reproduction de la perche commune, qui a besoin pour son fraie d’une eau bien froide, entre 8 et 10 degrés Celsius. Ses œufs, aussi minuscules qu’innombrables, s’étendent sur de longs rubans gélatineux pouvant atteindre jusqu’à un mètre cinquante. Adhérant, à fleur d’eau, aux plantes et cailloux, ils peuvent aisément se coller aux pattes ou aux plumes des canards. Et voire finir en apéritif dans leurs gosiers. Or, des expériences récentes ont montré que des œufs de poisson peuvent survivre au transit intestinal de leur hôte... L’analyse génétique apporte un autre indice, avec un lien entre la proximité géographique des lacs et celle génétique des perches qui y évoluent. Les chercheurs ont même identifié des «
migrants de première génération » explique M. Garcia. C’est-à-dire «
des perches dont le génotype appartient à celui de la population d’un autre lac ». Par ailleurs la moitié des colonisations de lacs se font sur une distance inférieure à 2 km. La même que celle que couvrent habituellement les oiseaux en transit. La seule preuve manquante, c’est la capacité de l’œuf du poisson à survivre à la digestion des oiseaux. « Elle nécessiterait une expérience complexe du point de vue éthique », dit M. Garcia, incluant notamment de sacrifier les animaux pour examiner leurs tubes digestifs.
Agence France-Presse pour le Journal de Montréal :
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]